“Theories of Meaning and the Electronic Text / Théories
du sens et les textes électroniques”
William
Winder
University of British Columbia
winder@unixg.ubc.ca
Ray
Siemens
University of British Columbia
siemens@unixg.ubc.ca
Michel
Lenoble
Université de Montréal
lenoblem@ERE.UMontreal.CA
Does the electronic text lead us to think, interpret, or read in new ways?
Does the meaning we find in an electronic text differ in any way from the
meaning of printed texts? Is the electronic text a new theoretical object,
or is it simply made of same basic stuff as printed text, but wrapped in a
flashier package? Can traditional approaches to text analysis and
interpretation be applied with minor adjustment to electronic texts or are
radically new theories needed?
This session will focus on what might make the electronic text a new objet of
study for interpretative semantics. We will investigate how traditional
theoretical approaches can be adapted, or not, to the electronic medium, and
how the development of theory is being shaped, or not, by the new
medium.
The new medium is characterized by a plethora of new techniques, but it is
uncertain that such techniques will lead to any fundamental revision of our
theoretical presuppositions about the nature of text. In other words, while
it is clear that the electronic medium offers novel ways to look at textual
data, one could argue that those techniques do not lead, even collectively,
to any profoundly new understanding of texts or their meaning. In this
session we will address the question: Is the electronic text theoretically
neutral, open to any and all theories of text, or does it contain a bias and
the germ of a new theoretical orientation?
Le texte électronique nous amène-t-il à penser, à interpréter ou à lire
autrement? Le sens qu'on trouve dans le texte électronique se distingue-t-il
du sens des textes imprimés? Le texte électronique est-il un nouvel objet
théorique, ou est-il formé de la même matière première que le texte imprimé,
et simplement enveloppé dans un emballage plus attrayant? Les approches
traditionnelles de l'analyse textuelle s'appliquent-elles aux textes
électroniques sans grand changement ou est-ce qu'on a besoin de nouvelles
théories?
Cette séance sera centrée sur ce qui semble faire du texte électronique un
nouvel objet d'étude pour la sémantique interprétative. Nous étudierons la
façon dont les approches théoriques traditionnelles peuvent être adaptées au
médium électronique, et que le développement des théories se laisse
actuellement influencé par le support électronique, ainsi que les échecs
inévitables dans ce domaine.
Le médium électronique se caractérise par une multitude de nouvelles
techniques, mais il n'est pas certain que celles-ci nous amèneront à réviser
nos présuppositions sur la nature du texte. Autrement dit, alors qu'il est
évident que le médium électronique offre de nouvelles façons de voir les
données textuelles, on pourrait soutenir que ces techniques, quel que soient
leur nombre, ne nous amènent pas à une nouvelle compréhension approfondie
des textes ou de leur sens. La question que nous traiterons dans cette
séance est: Le texte électronique occupe-t-il un champ qui est neutre et
ouvert à n'importe quelle approche à la théorie des textes, ou contient-il
une orientation théorique implicite et la germe d'une nouvelle théorie du
texte?
"A worlde of wordes": Conceptions of Textual Organisation in the Electronic Medium, or, The Dynamic Text as Hypertext
R. G. Siemens
Arguing initially with the metaphor suggested by the title of John
Florio's early modern bilingual dictionary, entitled A worlde of wordes (London, 1598), I urge that
our current notion of hypertextuality -- at least that as expressed
by its most frequent implementations -- is really quite far from the
limits of the medium as expressed by theories which address
hypertextuality. The actual implementations of hypertextual theory
with which many of us deal are much less than they should be; as a
consequence, the potential offered by the new world of words
represented by the textual information housed in electronic form,
and the relationships extant within that information, remains
largely unrealised.
By drawing on elements central to hypertextual theory that are
well-accepted by those who have embraced the idea of the dynamic
text -- yet which are too infrequently deployed in today's
electronic academic environment -- and by coupling these with a very
literal interpretation of the concept of intertextuality, I urge
that we can no longer overlook the power of what is purely textual,
in the hypertextual document, as a guide to the relationships
existing among materials which are textual or extra-textual.
Rather than viewing the `hypertextual' associations of materials
based on relationships which are established by authors and editors
through hard-wired links, I argue that we should be considering
instead the ways in which textual elements of electronic materials
already relate explicitly to one another -- through the very words
with which texts are comprised. Finally, I propose that the way in
which such hypertextual/intertextuality might be best achieved is
through a set of newly designed software tools which draw upon the
principles of those which have been successfully used in association
with the dynamic text, but which allow analysis over corpuses of
text limited only by the breadth of the new world of words provided
us by the internet.
Le drôle d'oiseau de Flaubert: la problématique du perroquet dans la base de données ARTFL
William Winder
Un enjeu important de la critique informatisée est de comprendre
comment les principes de la critique littéraire traditionnelle
peuvent être évalués, réinterprétés et traduits sur support
électronique. Il ne s'agit pas de démontrer que la critique
traditionnelle soit erronée dans ses principes. Au contraire,
une des voies des plus prometteuses de l'analyse textuelle
électronique consiste à pousser ces principes traditionnels
jusqu'à leurs conséquences ultimes (cf. Léon et Marandin). En
même temps, il faut reconnaître que l'usage de nouveaux outils,
tels que les bases de données textuelles, demande un effort
d'adaptation tout aussi bien au niveaux théorique que pratique.
En traduisant le discours traditionnel de la critique en un
nouveau discours électronique, on s'aperçoit qu'il prend un
nouveau sens, et nous amène à aborder de nouvelles
problématiques. Autrement dit, une traduction n'est jamais
totalement innocente; elle est toujours tendancieuse.
Nous présentons ici quelques-unes de ces tendances et nous
cherchons à en évaluer les mérites. Nous confrontons la pratique
de l'exploitation des bases de données textuelles avec la
réflexion théorique sur l'intertexte, en essayant de comprendre
comment les deux se complètent.
A la recherche des perroquets du 19e siècle
Dans une acception sémiotique de l'intertexte, tout système de signes peut être cité pour expliquer l'interprétation d'un texte et sa généalogie. Ainsi, Rastier remarque à propos de l'interprétation critique: “Toute connaissance issue d'une autre discipline est non seulement licite mais requise, dès lors qu'elle permet d'actualiser une relation sémantique conforme avec la cohésion du texte et les normes de son genre.(Rastier 7)” Autrement dit, puisque le texte est inséré dans une constellation de systèmes de signification, il faut mobiliser les connaissances diverses pour suivre le fil de la logique textuelle. C'est pourquoi il est légitime pour un critique comme Yves Bonnefis d'invoquer la peinture du 19e siècle pour expliquer la source du perroquet d'“Un coeur simple”: “Un vol de perroquets s'abat sur la peinture du XIXe siècle. Tout commence vers 1825.... ” (Bonnefis 66) Tout de suite décriée, l'oeuvre [le tableau de Manet, appelé "La femme au perroquet"] excite les plus vives colères. Du moins le succès de scandale qu'elle obtient apporte-t-il une confirmation à l'hypothèse que c'est bien une peinture, le tableau de Manet, et à travers celui-ci les tableau de Courbet et de Delacroix, qui est à l'origine de l'argument d'“Un coeur simple”, Flaubert remontant à la source d'une fascination collective, lui dont la fascination est le tourment, lui qui a fait de la fascination son objet. (Bonnefis 67-68) Selon Bonnefis, l'intertexte d'“Un coeur simple” serait un signe tiré d'un autre système sémiotique, le tableau de Manet -- Félicité serait ainsi la "femme au perroquet" de la littérature. Bien sûr, une base de données comme ARTFL n'offre pas de renseignement direct sur la peinture, mais si l'hypothèse de Bonnefis est juste, on peut s'attendre à ce que d'autres "perroquets" de ce scandale émigrent vers d'autres textes du 19ème. Nous regarderons donc comment les critiques interprètent ce perroquet célèbre, et en même temps nous chercherons à savoir dans quelle mesure leurs appréciations sont vérifiables ou même confirmées par les données, certes partielles, mais sûres de ARTFL. En effet, une recherche dans ARTFL révèle une quantité de "perroquet(s)"; est-ce qu'ils nous permettent d'affirmer avec Bonnefis qu'un vol de perroquets s'abat sur les textes du 19ème?Signifiants à la recherche de signifiés: les perroquets se répondent
Une des difficultés des plus manifestes qu'on recontre quand on adapte la notion d'intertexte au média électronique, c'est le problème de la démultiplication; tout signe a le don d'ubiquité qu'il dérive de son statut de type logique. Ce problème se manifeste partout où on cherche à comprendre les signes. Julien Barnes, dans son Flaubert's Parrot, en donne une illustration élégante dans un domaine archi-traditionnel de la recherche biographique. Geoffrey Braithwaite, le protagoniste de Flaubert's Parrot, va à Rouen quelques 100 ans après la mort de Flaubert, à la recherche du perroquet empaillé que Flaubert avait gardé si longtemps sur sa table de travail. Braithwaite y découvre en fait deux perroquets: l'un à la maison familiale de Flaubert, à Croisset, et l'autre au musée de l'hôpital de Rouen. Il explique ainsi sa déception à la découverte du deuxième perroquet: “The writer's voice -- what makes you think it can be located that easily? Such was the rebuke offered by the second parrot.” (Barnes 22) A la fin de ses efforts pour décider lequel des deux était le véritable perroquet de Flaubert, il découvre que ces deux ont été choisis parmi une cinquantaine de perroquets au Musée d'Histoire Naturelle de Rouen. Le livre et sa quête pour le vrai perroquet de Flaubert terminent lors d'une visite (hitchcockienne!) au musée: “ Everywhere I looked there were birds. Shelf after shelf of birds, each one covered in a sprinkling of white pesticide. I was directed to the third aisle. I pushed carefully between the shelves and then looked up at a slight angle. There, standing in a line, were the Amazonian parrots. Of the original fifty only three remained. Any gaudiness in their colouring had been dimmed by the dusting of pesticide which lay over them. They gazed at me like three quizzical, sharp-eyed, dandruff-ridden, dishonourable old men. They did look --I had to admit-- a little cranky. I stared at ten for a minute or so, and then dodged away. Perhaps it was one of them. ” (Barnes 190) ARTFL, comme un gardien bienveillant du Musée de la littérature, nous amène jusqu'au rayon des perroquets. On y en trouve 750; on a envie, comme Braithwaite, de se sauver. Comment savoir lequel est le "vrai" intertexte d'“Un coeur simple”? C'est cette question de la démultiplication de l'information, du trop plein des données de recherche, que le nouveau média pose avec insistance à la théorie de l'intertextualité.Ouvrages cités
Julien Barnes. Flaubert's Parrot. London: Pan Books (Picador), 1984.
Philippe Bonnefis. “Exposition d'un perroquet.” Revue de sciences humaines. 1981. 53: 59-78.
J. Léon J.-M. Marandin. “Sarrasine revisited: A perspective in text
analysis.” Computers and the Humanities. 1986. 20: 217-224.
François Rastier. Sens et textualité. Paris: Hachette, 1989.
Révolution textuelle
Michel Lenoble
Le texte a connu, au cours des 20 dernières années, un lent
glissement du monde de l'imprimé au monde électronique. Cette
évolution qui, au départ, ne devait être qu'un transfert des
textes-papier sur un nouveau médium, s'est rapidement muée en une
redéfinition de l'écriture (scriptorium électronique). L'évolution
s'est ensuite métamorphosée en révolution avec l'apparition des
littératures informatiques (gérées ou générées par ordinateur). Nous
tracerons à grands traits les étapes de la révolution textuelle et
proposerons une typologie des textes sur support électronique.
Nous aborderons ensuite les effets les plus évidents que la
révolution textuelle a eu sur la fonction auteur et la fonction
lecteur et évaluerons les modifications qu'ont entraînées la
redéfinition du texte sur les comportements de lecture, en discutant
des mérites des théories de Chartier, Nunberg et McKenzie sur cette
question.
Nous souhaitons, par après, mettre en lumière les impacts plus
subtils de cette révolution sur les recherches littéraires: d'abord,
montrer comment les fondements épistémologiques des écoles de
théorie littéraire sont mis à la question; ensuite, indiquer dans
quelle mesure les approches traditionnelles de recherche littéraire
doivent revoir drastiquement leur positionnement théorique; enfin,
constater à quel point un recentrement, un déplacement et une
redéfinition des objets, des méthodes et des heuristiques sont dans
certains cas incontournables.
En conclusion, nous tenterons d'esquisser le nouveau visage des
recherches en littérature à l'ère électronique, de voir leurs
nouvelles épistémès, leurs nouveaux champs de juridiction.