Elodie Bénard est agrégée de lettres modernes et docteure en littérature française. Elle est actuellement ATER à l’université d’Orléans. Dans le cadre du projet Molière (Labex OBVIL, Sorbonne Universités), ses recherches portent sur l’annotation des anecdotes constitutives du discours critique sur Molière et, en stylistique computationnelle, sur l’extraction automatique des motifs syntaxiques typiques des personnages de ses pièces.
Elodie Bénard holds a PhD in French literature and is currently assistant professor of Modern Literature at the University of Orléans. She is collaborating with Labex OBVIL and the Sorbonne on the Molière project and is researching methods for the annotation of anecdotes in the corpus of Molière's texts with the goal of studying the discourse around the French playwright. She also conducts experiments in computational stylistics, aiming to extract syntactic motifs characterising different characters in Molière’s plays.
Francesca Frontini est titulaire d’un doctorat portant sur la Linguistique de Corpus et soutenu à l’Université de Pavie. Après des années de recherche à l’Institut de linguistique computationnelle de Pise, elle intègre l’Université Paul-Valéry et le Laboratoire Praxiling de Montpellier en tant que Maître de conférences en linguistique informatique. Ses recherches portent sur le Traitement Automatique du Langage Naturel et, en particulier, sur la reconnaissance d’entités nommées et l’analyse automatique de corpus, avec un intérêt particulier pour les applications en Humanités numériques.
Francesca Frontini obtained a PhD the University of Pavia with a thesis on corpus linguistics; after working for several years as a researcher at the Institute for Computational Linguistics in Pisa, she joined the Laboratoire Praxiling at the Université Paul-Valéry in Montpellier as an associate professor in Computational Linguistics. Her current research interests lie in Named Entity Recognition and textual classification; in particular she has worked on the application of NLP methods within the domain of digital humanities.
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Les études quantitatives consacrées à la syntaxe dans le théâtre de Molière
sont rares. Cet article propose une analyse syntaxique du discours des
personnages de Molière qui repose sur l’extraction de séquences de catégories
grammaticales (ou parties du discours) et leur tri et filtrage grâce à
l’analyse des correspondances. Il s’agit ici d’étudier l’évolution du
personnage de Sganarelle, qui apparaît dans plusieurs pièces de Molière, en
vers et en prose, et qui représente souvent le
Une analyse syntaxique du discours des personnages de Molière.
La bibliographie sur Molière et son œuvre est immense, mais les travaux
spécifiquement consacrés à la syntaxe de l’auteur sont peu nombreux. Pierre
Larthomas, dans son ouvrage consacré au langage dramatique, cherche à apprécier
l’efficacité du style dramaturgique, en particulier celle de Molière, en tenant
compte des spécificités du genre, notamment du compromis nécessaire entre la
langue écrite et la langue parlée suffisamment
parlée
effet de sourdine
décrit par Leo Spitzer en mesurant
automatiquement les
La méthode utilisée dans cette étude repose sur l’extraction automatique de
séquences syntaxiques appartenant à différents textes et sur leur comparaison
grâce à l’analyse des correspondances xixe
s., Balzac, Hugo, Flaubert et Zola
Nous nous sommes intéressées, dans ce travail, aux personnages de Molière qui portent le nom
celui du bon bourgeois anti-galant, fort de ses prérogatives de mari et en même temps persuadé de l’infériorité et de la légèreté des femmes, qu’il va soutenir à travers deux Sganarelle (celui duGeorges Forestier et Claude Bourqui ont mis au jour une continuité entre des pièces qui, par-delà leur diversité (comédies/comédies-ballets, petites comédies/comédies en cinq actes, pièces en vers/en prose), sont quasiment toutes traversées, à des degrés divers, par l’idéologie et la culture mondaines. Dans les deux comédies-ballets,Cocu et celui deL’École des maris ) jusqu’à Arnolphe deL’École des femmes . .
en dehors de ses grandes comédies, les personnages qu’il [Molière] s’attribuait portaient tous le nom de Sganarelle.
Il existe aussi des ressemblances entre les Sganarelle du point de vue de l’intrigue. Plusieurs souhaitent un mariage inapproprié, soit pour eux (
solliciteur: l’un prend conseil pour savoir s’il doit se marier ou non (
L’enjeu de notre étude est de vérifier si, lorsque les Sganarelle sont considérés du point de vue de la syntaxe de leur discours et que l’on se fonde sur des techniques d’extraction automatique, les distinctions entre les différents personnages – qui reposent tantôt sur l’intrigue (bourgeois cherchant à se marier ou à marier leurs enfants
La comparaison des différents Sganarelle est fondée sur les traits syntaxiques
caractéristiques associés à chacun d’entre eux. La méthode
Les sept textes, comprenant chacun l’ensemble des répliques attribuées
à Sganarelle dans une pièce, sont analysés, dans un premier temps, à l’aide de
l’étiqueteur TreeTagger (
La phrase Le livre est sur la table.
est étiquetée de la façon
suivante : <DET><NOM><VER><PRP><DET><NOM><SENT>.
Après quoi, des séquences syntaxiques de longueur donnée (
Les séquences syntaxiques les plus utiles pour les besoins de la
présente étude sont de longueur 3, 4 ou 5. Les séquences très courtes sont très
fréquentes et ne sont pas assez spécifiques, tandis que les séquences longues,
trop rares, sont trop spécifiques. Les séquences intermédiaires, de 3 à 5,
correspondent à des structures grammaticales récurrentes d’une certaine
complexité et suffisamment caractéristiques. Le livre
et
la table
; Le livre
est
; livre est sur la
, etc.
Pour comparer les données obtenues, nous avons eu recours à un type de méthode
d’analyse factorielle très utilisé pour l’analyse textuelle : l’analyse
factorielle des correspondances (AFC
La Figure 1, qui montre le positionnement des
sept Sganarelle dans l’espace bidimensionnel, permet de comparer visuellement
les distances entre les textes, calculées en tenant compte de toutes les
(micro-)variations des fréquences des séquences extraites
Dans le graphique, chaque variable peut également être représentée en fonction de sa valeur dans chaque texte (voir Figure 2). On peut ainsi apprécier l’influence de chaque variable sur la distance entre les différents textes. Une variable dont la valeur est la même dans chaque texte occupe une position plutôt centrale ; une variable surreprésentée dans un texte contribue à déplacer celui-ci, à la manière d’un aimant, vers l’extrémité d’un axe ou vers celles des deux axes. Un texte idiosyncratique est représenté comme un point isolé dans l’espace, avec un nuage de variables qui l’éloigne du centre du repère.
Selon le texte et la longueur des séquences choisie, l’extraction des séquences
peut produire une grande quantité de données. La syntaxe de la langue limitant
fortement la variabilité syntagmatique, la plupart des séquences syntaxiques
extraites ont une fréquence relative similaire dans les différents textes. Ces
variables qui convergent vers l’intersection des deux axes du graphique ne sont
pas intéressantes pour étudier les différences entre les textes. L’AFC permet
de les filtrer en fonction de leur
La Figure 2 représente les dix variables qui contribuent le plus à l’éloignement de chaque texte du centre du repère et à l’éloignement des textes entre eux. On peut également observer, parmi ces variables à plus haute contribution, celles qui sont projetées dans l’espace et qui sont fortement associées à un texte. Ainsi la visualisation bidimensionnelle peut-elle être exploitée, en observant soit la position de chaque texte sur les deux axes, soit celle des textes les uns par rapport aux autres (notamment l’opposition des textes sur l’axe des abscisses ou sur l’axe des ordonnées), soit l’association d’une variable à un texte.
Visuellement, les variables les plus surreprésentées dans un texte ne sont pas forcément celles qui lui sont le plus proches, car plus une variable est surreprésentée, plus elle est projetée loin vers les extrémités des axes du repère, selon sa contribution. Cependant, si l’on part d’une variable à forte contribution, il est possible d’identifier le texte qui lui est le plus proche : c’est celui qui se trouve sur la ligne imaginaire reliant la variable au point d’intersection des deux axes. Toutefois, étant donné les déformations causées par la représentation en deux dimensions, il est plus exact de considérer que le texte qui est le plus associé à une variable est celui dans lequel la fréquence relative de cette variable est la plus importante.
Grâce à l’AFC, nous produisons une liste des séquences syntaxiques classées par
ordre décroissant en fonction de leur contribution et nous identifions, pour
chaque séquence, le texte dans lequel elle est la plus fréquente. Parmi ces
séquences à plus haute contribution, nous sélectionnons les cinq premières pour
chaque texte, c’est-à-dire celles qui sont le plus surreprésentées par rapport
aux autres
La fréquence des noms dans les séquences associées à Sganarelle
Le Table 4 peut être mis en relation avec les séquences les plus distinctives associées aux Sganarelle. On remarque en effet que les pièces qui contiennent les répliques les plus longues (souvent associées à des phrases longues) sont celles dont les séquences distinctives comprennent le plus de noms.
Pour ce qui est des séquences syntaxiques, on note que les occurrences correspondant aux trois premières séquences associées à Sganarelle
Du malheureux pendard qui cause ma vergogne.
L’honneur d’être connu de votre seigneurie ;
Pattern 294 :
<DET><NOM><DET> (total de 10 occurrences)
Un bon certificat du mal dont je me
plains.
D’avoir le sang
bouillant et l’âme un peu mutine,
Aux choses que peut faire une femme volage ;
Peut jeter dans l’esprit une fausse
créance
Dans un certain nombre d’occurrences, le verbe est séparé de son complément
d’objet par un circonstant ou par une locution-phrase ( Dieu merci
,
ma foi
) ou apostrophe ( carogne
), ce qui implique que deux
noms se suivent, séparés par un déterminant. La contrainte de l’alexandrin – ou
sa souplesse, c’est selon – explique l’antéposition de ces syntagmes
La séquence (<KON><PRP><NOM>) peut renvoyer à une antéposition du complément déterminée par l’alexandrin, mais six occurrences seulement correspondent à ce phénomène syntaxique.
Pattern 502 : <KON><PRP><NOM> (total de 17 occurrences)
Ajoutons que dans l’occurrence (1), l’antéposition du thème-cadre est
attenduequ’à table on voit tâter les
saucesEt de père, et d’époux donner pleine
puissance, et d’époux donner pleine
puissance,Qu’aux discours des muguets, elle ferme
l’oreille, qu’avec excès, votre poursuite
outrage,Que du don de ta foi je ne suis pas
jaloux, ce dont on parle
) vers le nouveau (le rhème qui correspond
à l’apport d’informations, ce qu’on dit du thème
).
Dans les trois premières séquences associées à Sganarelle
dupe de soi-même. Les circonstants et locutions-phrasesLe nom est inventé par Molière à partir du verbe italien ingannare tromperet du suffixe-que l’on trouve dans le nom de plusieursellezanni de lacommedia dell’arte (Polichinelle, Briguelle, etc.). Voir.
voir,à l’aise
nous savons,Dieu merci
toucher,au doigt
voicietma foi
tienssont autant d’éléments censés garantir la force persuasive du discours.dans mes mains
Sganarelle s’évertue à convaincre les autres de la vérité de ce qu’il dit, mais on le voit aussi s’efforcer de se convaincre lui-même de la justesse de son attitude. C’est ce qui apparaît à travers la séquence (<KON><DET><NOM><PRP>).
Pattern 274 :
<KON><DET><NOM><PRP> (total de 6
occurrences)
Et mon front de vos dons vous
doit remercier.
Me suis-je mis en tête ces visions cornues,
Et les sueurs au front
m’en sont trop tôt venues.
L’on me dérobe encor la réputation,
M’aura d’un vilain coup transpercé la bedaine,
C’est un vilain
abus, et les gens de
police
Nous devraient bien régler une telle injustice.
Trois de ces occurrences figurent dans des scènes où Sganarelle est seul : le
court monologue de la scène 13 (3) et le monologue de la scène 17 où Sganarelle
s’exhorte, sur 166 vers, à combattre son rival tout en essayant de trouver des
arguments à sa lâcheté (5, 6). Les conjonctions de coordination ( et
)
et de subordination ( que
) mettent en évidence la visée démonstrative
du discours que le héros s’adresse à lui-même. Dans le long monologue,
Sganarelle mêle aux arguments traditionnels du poltron – les risques qu’une
vengeance lui ferait courir (5) – ceux que mobilise l’honnête homme, qui
considère qu’il faut prendre avec indifférence ce qui n’entache pas son
honneur, mais celui de l’épouse infidèle (6). La séquence
(<KON><DET><NOM><PRP>) met donc en valeur un morceau de
bravoure de la pièce, où Molière fait de la traditionnelle tirade de
poltronnerie le lieu d’une confrontation des valeurs mondaines et des valeurs
qui leur sont antagonistes.
Deux séquences associées à Sganarelle EM,
(<PUN><KON><DET><NOM>) et
(<NOM><PUN><KON><DET>), contiennent aussi une
conjonction de coordination. Leurs occurrences se recoupent en partie.
À lui souffrir en cervelle troublée,
De courir tous les bals, et les lieux
d’assemblée ?
Je vous l’apprends donc, et qu’il est à propos,
Que vos feux, s’il vous plaît, la
laissent en repos.
N’a que trop de vos yeux entendu le langage ;
Que vos secrets désirs, lui sont assez
connus,
Elle vous eût plutôt fait savoir sa pensée,
Si son cœur avait eu dans son émotion,
À qui pouvoir donner cette commission ;
Appelons Isabelle, elle montre le fruit,
Que l’éducation dans une âme produit,
La vertu fait ses soins, et son cœur s’y consomme,
Un plein effet
A suivi tes discours, et ton homme a son
fait ;
Qu’elle vous a fait voir assez quel est son choix,
Que son cœur tout à moi d’un tel projet
s’offense,
Tous ses désirs étaient de t’obtenir pour femme,
Si les destins en moi qui captive ton
cœur,
On gagne les esprits par beaucoup de douceur ;
Et les soins défiants, les verrous et les
grilles,
Ne font pas la vertu des femmes, ni des filles,
Nous les portons au mal par tant d’austérité,
Et leur sexe demande un peu de liberté.
On voit ce qu’en deux sœurs nos leçons ont produit,
L’une fuit ce galant, et l’autre le
poursuit.
Les occurrences correspondent à :
douceur
et
austérité
(9 et 10), illustre les manières radicalement
opposées dont les deux frères élèvent leur pupille. entremetteur malgré lui
a
donc un caractère argumentatif et contient, de surcroît, des propos
rapportés, ce qui explique la présence des conjonctions.
La séquence (<NOM><PUN><KON><DET>) renvoie donc à la
fois à l’intrigue, fondée sur le schéma de l’entremetteur
malgré lui
, et au débat sur les valeurs, que Molière introduit en
mettant en scène deux frères que tout oppose sur le plan axiologique.
La séquence (<ADJ><NOM><PUN><PRO>) attire aussi l’attention, car elle contient un adjectif, classe grammaticale assez rare dans les séquences distinctives associées aux différents personnages.
L’antéposition de l’adjectif témoigne d’une prise en charge énonciative ou d’une subjectivité plus marquée. Dans le discours de Sganarelle, elle traduit soit le ton ironique et satirique sur lequel il s’adresse à ceux qui prônent d’autres valeurs que les siennes (1, 3, 5, 7, 8, 9), soit le ton attendri et amoureux qu’il adopte avec Isabelle (4, 6). Ces deux attitudes sont tout-à-fait caractéristiques du personnage de bourgeois anti-galant qu’invente Molière et elles éclatent dans un héros comme Arnolphe (
Sur les cinq séquences, trois correspondent à des occurrences qui ne sont pas réparties de façon homogène dans la pièce, mais circonscrites dans une scène ou une partie d’une scène. Dans notre corpus, ces séquences sont très idiosyncratiques : elles renvoient à un effet comique, fondé sur la répétition et propre à
Ah Malheur ! ah disgrâce !, sans expliquer la raison de ses cris, laissant Sganarelle imaginer le pire au sujet de sa fille.
Pattern 107 :
<PRO><VER><PRO><SENT> (total de 8
occurrences)
qu’est-ce ?Que sera-ce ?Qu’est-ce ?Qu’y a-t-il ?Qu’est-ce ?
La séquence (<PRO><VER><ADV><SENT>) correspond à un autre dialogue de sourds. Cette fois, c’est Sganarelle qui refuse d’entendre ce que lui répète huit fois Lisette – que la maladie de sa fille, un mutisme soudain, requiert un seul remède : un mari.
Pattern 106 :
<PRO><VER><ADV><SENT> (total de 8
occurrences)
La relative brièveté du texte (c’est le plus court des sept) explique
aussi la surreprésentation de ces séquences très spécifiques. en parlez point.en parlez point.en parlez point.
La seule séquence qui ne renvoie pas à un effet de répétition, mais à l’intrigue, est la séquence (<VER><VER><SENT>).
Pattern 144 :
<VER><VER><SENT> (total de 14 occurrences)
est
morte.dois faire. être
mariée ? ai fait. suis perdu.est jetée. font
mourir ?avez
résolu. avez prise.fasse prendre.est guérie.est fait.
Elle correspond à :
– des syntagmes verbaux à la première ou troisième personne et au passé composé (1, 4, 5, 6, 11, 12) : Sganarelle, passif, se contente d’enregistrer ce qui a eu lieu.
– des modaux (2), des périphrases (10), des groupes verbaux à la deuxième personne et au passé composé, dont le sémantisme renvoie à la délibération (8 et 9) : ces syntagmes expriment la requête de Sganarelle, soucieux de guérir sa fille pour hâter le mariage qu’il a décidé.
Ces occurrences ont en commun la brièveté des phrases et la présence des pronoms des première et deuxième personnes, marques d’une forte interaction. Les séquences associées à Sganarelle
l’un, très proche des propos quotidienset
l’autre, très rythmé et, de ce fait, aussi peu réaliste que possible
On retrouve ces deux styles
à travers les séquences relatives à
Sganarelle MF.
Comme pour Sganarelle
Pattern 533 : <ADV><VER><PRO>
(total de 9 occurrences)
N’ai-je pas tous les mouvements de mon
corps aussi bons que jamais ?N’ai-je pas encore toutes mes dents les
meilleures du monde ?Ne fais-je pas vigoureusement mes quatre
repas par jour ? N’ai-je pas raison, d’avoir fait ce
choix ?N’êtes-vous pas bien aise de ce mariage,
mon aimable pouponne ?
Les occurrences (1) à (3) figurent dans la scène 1 où Sganarelle vient demander conseil à son ami Géronimo à propos de son projet de mariage. La réponse de Géronimo est dubitative et pour dissuader son ami de se lancer dans une telle entreprise, il lui fait remarquer son âge. La série de phrases interro-négatives prononcées par Sganarelle répond à cet argument. Plus globalement, la forme interro-négative illustre l’état d’esprit du personnage qui, du moins au début de la comédie, cherche moins à être bien conseillé qu’à être conforté dans son choix, ce que montrent les occurrences (4) et (5), adressées à Géronimo et à Dorimène, la future épouse.
Au contraire, les occurrences correspondant à la séquence (<PRO><VER><SENT>) et à la séquence (<PRP><PRO><VER><SENT>) sont réparties dans la pièce de façon homogène et renvoient à l’intrigue.
Pattern 337 :
<PRP><PRO><VER><SENT> (total de 11
occurrences)
de me marier.de se marier ? à vous
communiquer.m’écouter.de
m’épouser.m’écouter.de me
marier.de l’épouser ?
Cette séquence qui est composée d’un verbe, dont le sémantisme renvoie au
projet de mariage de Sganarelle ( marier
, épouser
) et à la
requête qui en découle ( communiquer
, écouter )
, et d’un pronom
de la première personne, désignant le locuteur, ou de la deuxième personne,
représentant celui dont on sollicite les conseils, met en évidence le sujet de
la comédie : comme le personnage de Panurge dans le
La quasi-absence de noms dans les séquences associées aux Sganarelle
Sganarelle
Pattern 455 :
<VER><KON><DET><NOM> (total de 11
occurrences)
je tiens qu’un homme
bien sain s’en accommoderait assez.
La séquence (<DET><NOM><PUN><VER>) renvoie aussi à la consultation du faux médecin.
Pattern 405 :
<DET><NOM><PUN><VER> (total de 13
occurrences)
sa
langue, est causé par de certaines humeurs qu’entre nous,
savants, nous appelons humeurs peccantes, peccantes, c’est-à-dire …
humeurs peccantesleurs opinions,
dépend du mouvement oblique, du cercle de la lunela terre, trouve …
Dans le théâtre imprimé du xviie siècle, la ponctuation est autant orale que grammaticale
Le faux discours médical n’est pas aussi développé dans
À titre d’exemple, la séquence (<PRP><DET><NOM><PRO>) fait apparaître des circonstants ou propositions relatives à valeur explicative, censés étayer le raisonnement du faux médecin, mais les occurrences relatives à la consultation sont peu nombreuses :
Pattern 280 :
<PRP><DET><NOM><PRO> (9 occurrences)
de l’urine qui marque
grande chaleur.
Par ailleurs, deux séquences (<PUN><NOM><NAM>) et
(<NOM><NAM><PUN>) déclinent le même segment séquentiel
correspondant à l’apostrophe, Monsieur Gorgibus
, qui figure dans les
scènes 14 et 15 où Sganarelle passe d’un lieu à un autre en changeant
d’apparence pour éviter d’être démasqué. La répétition de l’apostrophe ponctue
la fausse dispute entre les deux
Sganarelle qui s’adressent chacun à
leur tour à Gorgibus. La séquence d’ubiquité est fondée sur un effet de
répétition, que souligne la récurrence de l’apostrophe, à la différence du
comique médical qui ne repose pas sur des procédés de répétition, mais sur le
jargon médical, le latin macaronique, les propositions de remèdes absurdes ou
nocifs, la querelle sur la nature de la maladie, etc.
Les séquences distinctives associées à Sganarelle
Pattern 548 : <PUN><KON><ADV>
(total de 14 occurrences)
, mais encore il instruit
les âmes à la vertu, et leur apprend avec lui à demeurer honnête homme.
Ces occurrences figurent dans des phrases relativement longues, dans lesquelles le raisonnement de Sganarelle se déploie, ou plutôt s’embrouille, avec force conjonctions de coordination.
Une autre caractéristique du discours de Sganarelle apparaît à travers la séquence (<VER><ADV><PRP><NOM>).
Pattern 552 :
<VER><ADV><PRP><NOM> (17 occurrences)
ne croyez pas au
séné […] ?
Le recours à la forme négative est déterminé par l’impiété de Don Juan.
L’étude présentée repose sur une méthode exploratoire de comparaison textuelle
de type inductif et mêle les approches quantitative et qualitative. Les textes
sont en effet analysés de manière automatique pour mettre au jour d’éventuelles
différences dans l’utilisation de la syntaxe, sans qu’un nombre de traits
grammaticaux soit ciblé a priori, et l’analyse des résultats passe par le
retour au texte et l’approche herméneutique, propre aux études littéraires.
Elle permet d’illustrer la manière dont les méthodes numériques peuvent
s’intégrer à la pratique de l’analyse littéraire, sans changer ses pratiques
scientifiques ni imposer des méthodes empruntées aux sciences dures, mais en
respectant les paradigmes disciplinaires dans le sens d’une herméneutique numérique
, telle que la conçoit
S. Ramsay sciences de la culture
et sciences de la nature
, voir
L’examen des cinq séquences les plus distinctives associées à chaque Sganarelle de notre corpus nous amène à formuler les hypothèses suivantes concernant la visualisation des résultats quantitatifs.
L’écart entre Sganarelle
Il est difficile, à partir de la visualisation et de l’interprétation qu’on peut en faire, de caractériser les différentes comédies qui ont comme héros Sganarelle. Tout au plus peut-on distinguer le fonctionnement des comédies-ballets (
solliciteur, assumé par Sganarelle dans
entremetteurdans
raisonneurdans
tout effet de répétition, le
la plus ou moins grande rapidité avec laquelle la pièce est jouée, et le
la longueur des différents membres de la phrase et des effets produits par leur juxtaposition.
prose cadencéeou l’imitation de la conversation mondaineLa prose cadencéeest définie comme une. prose constituée d’une alternance de vers irréguliers non rimés
raisonneurschez Molière. L’analyse a permis de mettre en évidence l’usage particulier de la ponctuation dans
Quantitative studies in the syntax of Molière are not very frequent. The
present paper proposes a syntactic analysis of Molière’s characters that relies
on the extraction of part of speech sequences and their filtering using
correspondence analysis. In particular, the methodology is applied to the study
of the evolution of the character of Sganarelle, appearing in several of
Molière’s plays in prose and verse, and often reflecting the prototype of the
A syntactic analysis of Molière's characters.
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